Santé Nature Innovation
Chers lecteurs et amis de la santé,
Je suis chirurgien du cancer et plus largement de maladies qui peuvent conduire au cancer. Depuis 1972, j’ai opéré de milliers de patients.
Cela veut dire aussi que, de même que mes collègues, j’opère des patients chez lesquels je peux être amené à prescrire, avec les réanimateurs, une transfusion sanguine, avant, pendant ou après l’intervention chirurgicale parce que l’acte opératoire ou l’état du malade nous l’impose.
Par exemple, il arrive que le taux d’hémoglobine (Hb) dans le sang soit inférieur ou égal à 7, alors que le taux normal est au moins de 12. Il faut alors transfuser pour rétablir un meilleur taux d’Hb. Sans quoi l’anémie est trop forte, le patient va mal cicatriser, ou mal supporter les soins dont il a besoin.
Évidemment, le sang transfusé provient le plus souvent de plusieurs donneurs compatibles par leur groupe sanguin (A, B, AB ou O et Rhésus positif ou négatif) avec le receveur. C’est la même démarche qui est faite en transplantation d’organes où une compatibilité sanguine est nécessaire.
Même aujourd’hui, la transfusion sanguine n’est pas sûre à 100 %
Depuis l’arrivée du Sida sur la planète en 1982, avec mes collègues chirurgiens, dans le monde entier, nous avons énormément réduit le recours à la transfusion sanguine car nous n’étions pas sûrs de la qualité des sangs donnés.
Nous avons trop souvent vécu des cas de patients transfusés ayant à cette occasion « attrapé » le virus du Sida, celui de l’hépatite B ou C. Je vous laisse imaginer comment nous avons dû informer ces patients. « Responsables mais pas coupables », pensez vous encore aujourd’hui. Eh bien NON ! nous avons raisonné et agi en « responsables ». Nous ne l’avons pas oublié, nous en souffrons encore, car nous avons perdu des patients qui n’auraient pas dû mourir…
Aujourd’hui, nous préférons aider le patient à refaire seul son stock de globules rouges (GR) avec des perfusions de fer, ou avec une hormone, l’EPO, qui stimule la fabrication des GR, laquelle fabrication se nomme « érythropoïèse ».
Je sais bien que la transfusion est aujourd’hui plus sûre mais je sais aussi qu’elle n’est pas sécurisée à 100 %. Certes, la sécurité s’est doublée d’un système de traçabilité tant chez les donneurs que chez les receveurs. Mais les spécialistes l’affirment : « Il persiste néanmoins un risque variable de transmission virale par transfusion. En France, le risque résiduel est devenu très faible pour les virus pathogènes majeurs qui sont testés (hépatite B, VIH, hépatite C), inférieur à 1 pour 2 à 8 millions de dons (la fourchette, remarquez-le, est très large et donc incertaine !). Mais il persiste un risque pour des virus connus, mais non testés systématiquement et des virus nouveaux émergents. »
Ouvrir le don du sang aux personnes homosexuelles ?
Depuis quelques semaines, je suis harcelé de mails me demandant de signer le pétition pour « le Don du sang pour tous ». Par mon métier et ma position personnelle de représentant des familles (familles-de-france.org) et de membre de Conseil Économique Social et Environnemental (CESE) à Paris, je suis donc « intéressant » pour cette pétition et ceux qui en font promotion et diffusion.
J’ai bien lu l’accusation contre celles et ceux qui ne signeraient pas la pétition du don du sang pour tous : ils seraient « homophobes », parce qu’ils assimileraient les personnes qui se déclarent homosexuelles à des consommateurs de drogues ou à je ne sais quelle délinquance. Surtout, ils montreraient du doigt les homosexuels comme « transmetteurs » du sida.
J’ai trop d’amis et amies qui vivent cette orientation affective et sexuelle pour tomber dans le piège de la culpabilité. Je leur ai posé la question, et je n’ai même pas eu à leur donner les arguments qui suivent pour qu’ils me disent « ne signe pas, il ne faut pas tomber dans ce piège ».
Je connais bien ce que vivent ces ami(e)s. Nous en parlons aisément, surtout pour essayer de comprendre cette orientation qui n’est pas aussi banale ou généralisée qu’on le laisse parfois entendre. Ainsi je peux affirmer que tous les sentiments plus ou moins fortement « homophobes », que l’on rencontre encore assez souvent dans certains milieux, sont liés à la non compréhension de l’homosexualité tant masculine que féminine, qui sont en plus fort différentes.
Mais en tant que médecin, je me dois de rappeler deux études récentes rapportées par la presse :
« Le nombre d’infections nouvelles par le VIH a nettement diminué en France, toutes populations confondues. On comptait 8930 personnes contaminées en 2003, contre 6940 en 2008, soit une baisse de 3,7 % par an en moyenne. Mais la sous-population homosexuelle masculine résiste à cette tendance, en maintenant un taux de contamination élevé. Un pourcent des homosexuels masculins a contracté le VIH en 2008, contre 0,009 % des hétérosexuels (hommes et femmes confondus). » (Figaro santé du 09/09/2010)
« Pour les spécialistes réunis dans le cadre de la Conférence sur les rétrovirus (CROI) qui s’est tenue à Atlanta (Etats-Unis) en mars 2013, le constat est froid et brutal. Cela se passe en Thaïlande, pays où l’accès aux soins ne pose pas de souci majeur, où l’homosexualité n’est pas criminalisée, ni discriminée. Les scientifiques suivent, de 2006 à 2012, un groupe de jeunes hommes homosexuels qui ne sont pas porteurs du virus VIH. Quand ils testent les membres de cette cohorte, le verdict est implacable : en cinq ans, la proportion cumulée d’hommes ayant contracté le virus est de 26 %. En présentant ces données à Atlanta, Chris Beyrer, de l’université Johns Hopkins de Baltimore, a souligné que l’épidémie qui touche les hommes ayant des rapports homosexuels (HSH) ne connaît pas de frontières. Pays pauvres, émergents, riches, partout, les homosexuels hommes paient toujours un lourd tribut à l’infection par le VIH.
Encore plus inquiétant ce sont les plus jeunes de ces hommes, entre 13 et 24 ans, qui sont majoritairement concernés. Et comme si cela ne suffisait pas, ces contaminations s’accompagnent de co-infections avec, notamment, des cas de syphilis de plus en plus nombreux. Autre facteur de risque : les réseaux que forment les homosexuels hommes avec des structures qui, avec le temps, n’ont cessé de grossir et entraînent une certaine multiplication des partenaires. Avec, parfois, transmission de virus porteurs de plusieurs mutations. Les études épidémiologiques ont montré que lorsqu’un homme séropositif a un rapport sexuel, le risque de contaminer la ou le partenaire varie énormément. En cas de rapport anal, quel que soit le sexe de la personne, le risque de transmission est dix-huit fois plus élevé qu’en cas de rapport par voie vaginale. » (rapporté par Jean-Daniel Flaysakier France TV Info le 06/03/2013)
Des chiffres implacables : la précaution d’abord !
Trois chiffres de l’Institut national de veille sanitaire (INVS) me paraissent particulièrement importants à retenir :
- En 2010, le nombre de cas de découverte de séropositivité VIH a été de 6 pour 100 000 pour les hétérosexuels, contre 758 pour 100 000 chez les homosexuels masculins ;
- 3 % minimum des homosexuels masculins sont contaminés par le virus du sida sans le savoir ;
- l’ouverture du don du sang aux homosexuels aboutirait à multiplier par 4 le risque de contamination.
Dans un monde où prime le principe de précaution, pourquoi prendre un tel risque ?
Pour avoir du sang supplémentaire ? Mais l’ouverture du don du sang des personnes homosexuelles n’augmenterait le volume total de sang donné que de 2 % !
Voilà pourquoi je suis opposé aux dons du sang par les personnes qui se disent homosexuelles ou bisexuelles.
Quelques éléments pour conclure :
- Ces personnes peuvent être porteuses du virus du sida sans le savoir. Les chiffres sont formels et montrent que les homosexuels sont plus nombreux à être porteurs du virus que les hétérosexuels à multiples partenaires.
- La transfusion sanguine ne peut être sécurisée à 100 %. Je sais bien que le risque est faible, les Centres de transfusion disent même très faible… Cela veut dire qu’il n’est pas nul, nous l’avons dit.
- Il m’est arrivé évidemment d’opérer des personnes porteuses du virus du Sida. Savez-vous que le chirurgien et ses aides prennent des précautions draconiennes pendant l’opération en changeant très régulièrement de gants, en portant une double paire de gants et que s’ils se piquent pendant l’opération, ils doivent immédiatement le déclarer et subir un protocole très pénible à suivre ? Évidemment, le chirurgien doit se protéger et protéger tous ses collaborateurs, quels que soient leurs rôles autour du patient.
- J’ai connu un enfant qui a dû subir une exsanguino-transfusion dès sa naissance et qui a passé toute son enfance fatigué, fragile, très souvent sous antibiotiques… À l’adolescence, on a découvert qu’il était porteur du virus du Sida (Syndrome d’immuno-déficience humaine) depuis sa naissance parce que le don de sang n’était pas suffisamment sécurisé. Le donneur infecté ne savait pas qu’il était porteur du virus. Il donnait son sang pour – sans le dire – se faire contrôler, sachant que ses multiples partenaires de même sexe que lui risquaient de l’infecter malgré l’utilisation de préservatifs. Allez donc expliquer à cet ado que le sang, vecteur de vie, peut être vecteur de mort !
- Quant à l’argument de l’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne, qui déclare que le fait de refuser le don du sang aux personnes homosexuelles constitue une évidente discrimination indirecte basée sur le genre et l’orientation sexuelle, il est tout simplement incompétent et irresponsable dans un domaine qu’il ne connaît pas.
- Quand on dit qu’il s’agit d’une nécessité de santé publique, en élargissant le don du sang à tous, on oublie ou même on cache que le don du sang est interdit dans beaucoup d’autres situations à risques qui n’ont aucun rapport avec l’homosexualité ou la bisexualité.
Ainsi vous comprendrez d’abord pourquoi, pour certaines interventions de mes collègues orthopédistes, quand elles sont programmées à l’avance, on choisit « l’auto-transfusion ». Celle-ci consiste à prélever quelques mois à l’avance le sang du patient lui-même pour le lui rendre pendant l’opération, alors que son corps a eu le temps de refaire le stock de ses globules rouges conservés en poche stérile au congélateur.
Ainsi vous comprendrez pourquoi je ne souhaite pas pour moi-même, pour mes proches comme pour ceux qui se confient à mes soins, signer la pétition pour le Don de sang pour tous.
Je sais que cette lettre fera réfléchir, qu’il y aura des « pour » et des « contre ».
Je répondrai courtoisement à tous en demandant évidemment la réciprocité.
Surtout n’hésitez pas à diffuser cette lettre, même en plein été.
Très bon mois d’août à tous.
Professeur Henri Joyeux
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